Page 12 - Adec-Bulletin 05-2006
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Bulletin de l’Association “Les Amis de Comiac” (ADEC)                                                        Numéro 5  - 2006 - Page 12

             La  dernière  semaine  de  mon  séjour,  il  ne   dans mes produits sans ma permission. »
             restait plus que moi dans cette chambre. Le
             soir  d'autres  pensionnaires  des  chambres     L'avertissement  fut  efficace.  L'adjudant,
             voisines  venaient  me  voir;  un  peu  comme    «homme de confiance », m'a boudé un cer-
             une bête curieuse peut-être, mais sans ani-      tain temps (par là même il avouait). Mais
             mosité  apparente.  Le  docteur  parlait  un     tout est rapidement rentré dans l'ordre, et
             assez bon français, mais n'était guère sym-      sans esclandre.
             pathique. Heureusement, c'était tout autre
             avec les Sœurs. Pour conclure, même chez              La faim justifie les moyens
             l'ennemi  d'alors,  j'ai  été  traité  correcte-
             ment. J'ai donc quitté l'hôpital au bout de
             trois  semaines.  Il  m'a  fallu  tout  de  même   Avec deux autres camarades j'ai été libéré
             six mois pour être tout à fait guéri. Mais on    par l'Armée Rouge le 4 mars 1945 à 30 km
             ne m'a pas demandé mon avis pour me re-          du  port  de  Kolberg,  sur  la  mer  Baltique.
             mettre au travail...                             Les Allemands s'occupant peu de nous à ce
                                                              moment-là nous en avons profité pour aller
             P.S - Le handicap pour moi était de connaître trop   au-devant  de  nos  libérateurs.  Les  autres
             peu  d'allemand  après  un  an  de  captivité.  Hélas!   prisonniers  ont  préféré  attendre  passive-
             j'ai eu le temps d'en apprendre plus.            ment. A chacun son choix. !

                    Pris la main dans le sac                  Mais libéré ne veut pas dire rapatrié. Et là.

                                                              nous avons du attendre jusqu'à la mi-juin.
                                                              c'est-à-dire trois mois plus tard. La guerre
             Nous étions vingt-cinq Français à travailler     n'était pas finie; et nos amis russes avaient
             dans  cette  grosse  ferme  de  Poméranie,  à    autre chose à faire de plus pressant.
             Zamborst, pas très loin d'une ville, et logés
             dans  un  bâtiment  composé  de  plusieurs       En attendant, il fallait bien vivre. Les pre-
             pièces. Dans la nôtre (très exiguë) deux lits    miers temps, le pillage des poulaillers, cla-
             superposés avec une mince paillasse et une       piers,  caves,  etc.  a  suffi,  mais  pas  long-
             couverture. C'est tout pour la literie. Ajou-    temps.  Nous  étions  de  plus  en  plus  nom-
             tons  une  table,  quatre  tabourets  et  quel-  breux dans cette ville de Friedeberg (5.000
             ques étagères de notre fabrication.              Français environ rassemblés là). Les civils
                                                              avaient fui.
             Les quatre hommes cohabitaient: deux Bor-
             delais. Un belfortain (ce dernier était adju-    Un jour, vers la fin avril, les Russes dépla-
             dant  de  carrière,  homme  de  confiance  de    çaient un grand troupeau de vaches dans la
             tout notre groupe, et cuisinier. De ce fait, il   rue. Les convoyeurs étaient peu nombreux:
             ne travaillait pas aux champs). Le quatriè-      donc  une  occasion  excellente.  Avec  plu-
             me « locataire » c'était moi. La cuisine était   sieurs  camarades,  nous  avons  fait  entrer
             très rudimentaire, composée exclusivement        l'une  de  ces  bêtes  par  une  porte  cochère
             de pommes de terre sans la moindre matiè-        donnant  sur  un  jardin  intérieur.  Là,  tout
             re grasse. Heureusement, il y avait les colis    fut très rapide: il y avait des bouchers par-
             envoyés par nos familles pour améliorer le       mi nous. La vache était abattue. vidée, dé-
             menu.                                            bitée.  Distribuée,  les  déchets  enterrés.  Ni
                                                              vu ni connu !
             Mais  ma  réserve  de  graisse  de  porc,  dans
             une  boîte,  baissait  anormalement.  J’ai  eu   Un autre jour, notre tentative a échoué. Un
             des soupçons. Mais que faire ? Eh bien, ceci     coup de feu tiré en l'air nous a rappelés à
             tout simplement: j'ai mis un petit mot dans      l'ordre. Mais par la  suite, les Russes nous
             la boite bien en évidence, ainsi rédigé:         ont  distribué  des  vivres  convenablement.
             « Veuillez, s'il vous plaît, ne plus prélever    Pour  cuisiner,  souvent,  faute  de  bois,  de
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