Page 16 - Adec-Bulletin 05-2006
P. 16

Bulletin de l’Association “Les Amis de Comiac” (ADEC)                                                       Numéro 5  - 2006 - Page 16


             et de crever les sacs qui le contenaient: c’é-   on  a  installé  une  motopompe  pour  avoir
             tait une forme de résistance. J’ai beaucoup      l’eau au robinet. Nous avions aussi l'eau de
             souffert  de  la  faim.  Mes  jambes  me  fai-   source. Maintenant nous avons l’eau de la
             saient souffrir. J’ai fini la guerre dans une    commune .
             centrale  électrique  au  moment  du  débar-
             quement .                                        JPP. Et l’électricité ?

             De  notre  base  de  campement  à  notre  lieu    UC.   Nous avions fait installer la lumière
             de  travail  il  y  avait  4  km.  Un  jour  j’étais   dans la maison mais pendant la guerre l’é-
             mal  rasé,  j’ai  été  puni:  j'ai  dû  porter  un   lectricité était au marché noir.
             bout de bois lourd pendant les 4 km du tra-
             jet. Nous couchions par terre, sur des plan-     JPP.  Avez-vous d’autres souvenirs de votre
             ches. Il y avait comme prisonnier des fran-      vie de tous les jours ?
             çais, des marocains, des polonais. Ceux qui
             étaient  indisciplinés  étaient  frappés.  J’ai   UC. Je me souviens qu'enfants, nous man-
             été humilié et vexé. Il nous a fallu six mois    gions des bourriols cuits dans la cheminée
             pour redevenir des hommes potables et en-        de la maison. Je me souviens aussi du chi-
             core. J'ai été libéré le 4 mars 1945. A notre    liou, et bien sur de la pescajoune faite dans
             retour il y avait encore des cartes de ration-   le four de la cuisinière.
             nement.  J’ai  repris  le  travail  à  la  ferme,
             nous avions des animaux pour le labour, 6        JPP. Et sur le pays de Comiac ?
             vaches en 45 et 12 vaches en 1950.
                                                              UC. Il aurait bien fallu revoir le château de
             JPP. Quand avez-vous fondé votre famille ?       Comiac comme il était. Je me souviens du
                                                              cimetière de Saint Cirgue, on y déposait les
             UC. Je me suis marié le 28 Novembre 1948.        morts  de  Lamativie.  Les  anciens  disaient
             Le repas de noces a eu lieu chez la mariée.      que parfois le sang coulait des cercueils.
             comme le veut la tradition. Nous avons fait
             celui-ci dans le grenier. Le lendemain nous      JPP.  Parliez-vous  de  la  guerre  à  la  mai-
             sommes  partis  pour  Lourdes.  J'ai  épousé     son ?
             une fille de Lamativie, une demoiselle Ma-
             rie Lherm.                                       UC. Vous savez, les anciens n’aimaient pas
                                                              beaucoup les prussiens, mon grand père et
             JPP.  Comment  avez-vous  fait  sa  connais-     mon  père  ne  parlaient  pas  des  guerres  et
             sance ?                                          pourtant  mon  grand  père  maternel  avait
                                                              été fait prisonnier en 1870.
             UC. Je chassais la bécasse vers Lamativie
             et  j’ai  rencontré  ma  future  femme.  Nous    JPP.  En 1954 vous aviez 35 ans, c’était le
             avons eu quatre enfants sur place, à la fer-     début de la guerre d’Algérie.
             me. Il y avait une sage femme et un méde-
             cin. Maintenant on provoque les accouche-        UC.  C’est  triste  et  dommage  cette  guerre,
             ments, c’est contre nature .                     dommage de laisser l’Algérie mais vous sa-
                                                              vez  de  Gaulle  a  eu  raison  d’arrêter  cette
             JPP.  Comment  vivait-on  à  Comiac,  en         guerre. Ici on ne parlait pas de cela. A Co-
             1945 ?                                           miac on donnait son sang pour un ouvrier,
                                                              un paysan, mais jamais pour un soldat de
             UC. Nous allions chercher l’eau à l’étang ou     la guerre d’Algérie. C’est honteux. Nos poli-
             au  puits  pour  ceux  qui  en  avait  un.  En   tiques n’ont pas su faire comme les Anglais,
             1949, il y a eu une grande sécheresse, alors     eux ils ont fait mieux.
   11   12   13   14   15   16   17   18   19   20   21