Page 24 - Adec-Bulletin 05-2006
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Bulletin de l’Association “Les Amis de Comiac” (ADEC)                                                      Numéro 5  - 2006 - Page 24


             cette télé se déclarèrent les « pour » et les    ils  partageaient,  avec  la  famille,  le  repas
             « contre » ! J’entends encore un client de la    dont tous les composants mijotaient le plus
             génération  de  ma  mère,  assez  bavard,  il    souvent  dans  la  grande  marmite  pendue
             faut le dire « Odette, pourquoi as-tu acheté     depuis le matin au dessus du feu de la che-
             ce poste ? On ne peut plus parler chez toi !     minée.
             Arrête ça, sinon je ne remets plus les pieds
             ici ! » Mais il revenait, bien sûr… Rapide-      Il  en  était  de  même  les  dimanches  soirs
             ment  beaucoup  de  télés  furent  installées    lorsque  les  jeunes  gens  réunis  estimaient
             dans  les  maisons  et  la  nôtre  cessa  d’être   qu’il était vraiment trop tôt pour se séparer
             une attraction.                                  et  rentrer  chez  eux.  «  Odette,  on  a  faim  !
                                                              Préparez-nous  quelque  chose  à  manger  !  »
             Pendant  quelques  années,  avant  l’appari-     Ma mère répondait immanquablement « Je
             tion de la télévision, la salle du café servait   n’ai  rien  »  Mais  elle  cédait.  Nous  avions
             de  salle  de  cinéma.  Ciné-Vayrac  venait  y   toujours du pain, du Cantal à l’épicerie, des
             projeter  de  vrais  films  précédés  d’actuali-  œufs  dans  les  paniers.  Elle  préparait  un
             tés.                                             bonne  soupe  au  fromage  qu’elle  servait
                          Les gens de passage                 dans  d’énormes  soupières  en  émail.  De  la
                                                              saucisse sèche pendue au plafond ou quel-
             Dans l’activité du café nous comptions aus-      ques  saucissons  ou  autres  boites  de  sardi-
             si le gens de passage, tel ce colporteur qui     nes  faisaient  patienter  les  affamés  en  at-
             s’installait  pour  une  semaine  à  Comiac  et   tendant  de  délicieuses  omelettes  au  rhum
             qui  allait,  à  pieds,  de  maison  en  maison,   préparées au cantou et portées toutes flam-
             chargé de deux grosses valises.                  bantes  sur  la  table.  Quel  régal.  Elles
                                                              étaient vites englouties !
             S’arrêtait aussi pour un soir, un marchand
             de moutons de Cahus, qui, à pieds, accom-                       Autres services
             pagné  de  son  chien,  arrivait  de  Lamativie
             ou même de La Bastide du Haut Mont où il         La  maison  Taurand  pouvait  préparer  des
             avait acheté quelques bêtes. Il parquait son     repas  de  mariage.  Pour  réduire  les  coûts,
             petit troupeau dans un coin de l’étable, lui     les familles proposaient souvent leurs pro-
             donnant  un  peu  de  foin.  Le  lendemain,  il   duits,  légumes,  volailles,  oeufs…(pour  les
             repartait, toujours à pieds, rejoindre Cahus     mokas  et  les  célèbres  pièces  montées  en
             ou la gare de Biars.                             biscuits)

             A mon père on demandait un sac de char-          L’été, les chambres accueillaient des vacan-
             bon pour faciliter la digestion des cochons,     ciers.  Nous  cuisinions  pour  15  ou  20  per-
             à ma mère un tube d’aspirine qu’elle avait       sonnes,  tous  les  jours.  Des  aides  étaient
             toujours  en  réserve  «  pour  dépanner  un     alors  indispensables.  Mes  parents  allaient
             client » disait-elle.                            d’un client à l’autre, d’un local à l’autre. Ma
                                                              grand mère et moi prêtions notre concours.
                      Le Restaurant à l’ancienne              Il y avait du travail pour tous, surtout les
                                                              dimanches après les messes et lors des fê-
             Avec  toutes  nos  occupations  nous  n’avions   tes religieuses où il y avait une grande af-
             pas le temps de préparer un bon repas pour       fluence.
             les  clients  occasionnels,  à  midi.  Ma  mère
             faisait,  là  aussi,  du  dépannage.  Elle  don-  J’entends  mes  parents  dire  dans  ces  mo-
             nait à manger à ceux qui avaient faim, aux       ments là, mais toujours dans la bonne hu-
             isolés qui se trouvaient là au bon moment:       meur  «  Quarante  métiers  quarante  misè-
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