Page 28 - Adec-Bulletin 04-2005
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Bulletin de l’Association “Les Amis de Comiac” (ADEC)                                                       Numéro 4  - 2005 - Page 29


                                Son mulet                     mère. Elle était heureuse de conduire cette
                                                              magnifique Ford T avec des roues à rayons,
             Elle se lassa vite de ses voyages à pieds et     toute neuve, en camionnette. Et elle entre-
             elle acheta un mulet ! Qu’en ai-je entendu       prit des transports en commun.
             parlé de ce mulet ! Et comme elle l’aimait.
             Il était devenu son compagnon de route, ô
             combien appréciable !

             Une nuit, me raconta-elle, elle remontait la
             côte  du  Pont  du  Bois  lorsque,  après  avoir
             traversé le pont, elle entendit un bruit in-
             quiétant.  Elle  se  crut  sur  le  point  d’être
             agressée. Elle avait toujours un pistolet sur
             elle lors de ses voyages nocturnes. Elle sor-
             tit son arme et tira un coup en l’air ! Elle
             ne me dit rien sur ses assaillants sans dou-
             te imaginaires, mais me parla de son mu-
             let.  «  Si  tu  avais  vu  cette  pauvre  bête  !  Il
             avait eu si peur qu’il se mit à courir et re-    Cependant  un  jour  elle  eut  un  accident
             monta  la  côte  au  galop  jusqu’à  Teyssieu.   spectaculaire  qu’elle  racontait  des  années
             J’ai cru qu’il allait en mourir. »               plus  tard  aux  jeunes  gens  rassemblés  au-
                                                              tour  d’elle,  dans  l’auberge.  D’une  voix  en-
             Ils firent une bonne halte à l’entrée du vil-    jouée,  elle  nous  disait,  en  patois:  «  Nous
             lage  où  une  lointaine  cousine,  l’Adèle,  te-  rentrions d’une foire à Saint Céré, monsieur
             nait une auberge, et ils reprirent des forces    Saint-Chamand était assis à coté de moi. Je
             pour continuer la route jusqu’à Lavitarelle.     venais de faire le grand tournant de la côte
                                                              de  Bertrandes,  il  me  dit  :  Qué  mé  carri,

                                La Ford T                     Louisa,  dé  bou  biré  fa  oquestes  tournants
                                                              (Que  je  me  plais,  Louisa  de  vous  voir  faire  ces
                                                              tournants !) Quand  j’arrive  en  bas,  au  pont
             Elle garda le mulet plusieurs années et en       du  Moulin,  comment  ai-je  fait  ?  Plouf,  je
             1924  (son  mari  était  décédé  en  1921  des   manque le tournant et voilà la voiture dans
             suites de la guerre de 1914-1918) elle ache-     le ruisseau ! »
             ta une voiture et ensuite… passa son per-
             mis ! Car elle apprit à conduire au volant       La  voiture  était  pleine,  il  y  avait  Marie,
             de  sa  voiture.  Un  monsieur  Saint-           Marthe  et  d’autres.  Quelques  blessés  lé-
             Chamand, de Saint Céré l’accompagnait en         gers. « C’est moi, disait-elle, qui fus la plus
             la conseillant. Il n’était pas moniteur d’auto   atteinte, la clavicule cassée ». Et la voiture,
             école  mais  Ingénieur  des  Ponts  et  Chaus-   lui demandait-on ? «  Oh ! Elle était très so-
             sées ! Il n’y avait pas de code à passer. Elle   lide, ce n’était pas comme les voitures d’au-
             fut convoquée à Brive où un Inspecteur la        jourd’hui  !  Quand  on  l’a  remontée  sur  la
             fit  démarrer  au  volant  de  son  automobile   route, elle a démarré tout de suite » C’était
             place de la Guierle… et il lui demanda de le     le  plus  important,  des  tôles  froissées  elle
             conduire à Alassac où il devait agréer une       n’en  parlait  pas.  Elle  continuait  son  récit:
             locomotive ! Au retour, il lui donna son per-    « Il faisait nuit et chacun voulait récupérer
             mis ! Peu de femmes à cette époque possé-        ses affaires. Le lendemain les occupants al-
             daient le permis de conduire.                    lèrent dans la Prade chercher dans le ruis-
                                                              seau,  quelquefois  bien  loin,  les  chaussures
             Pour moi c’est un précieux témoin du cou-        ou les emplettes perdues »
             rage  et  de  la  personnalité  de  ma  grand-
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