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Bulletin de l’Association “Les Amis de Comiac” (ADEC) Numéro 4 - 2005 - Page 29
Son mulet mère. Elle était heureuse de conduire cette
magnifique Ford T avec des roues à rayons,
Elle se lassa vite de ses voyages à pieds et toute neuve, en camionnette. Et elle entre-
elle acheta un mulet ! Qu’en ai-je entendu prit des transports en commun.
parlé de ce mulet ! Et comme elle l’aimait.
Il était devenu son compagnon de route, ô
combien appréciable !
Une nuit, me raconta-elle, elle remontait la
côte du Pont du Bois lorsque, après avoir
traversé le pont, elle entendit un bruit in-
quiétant. Elle se crut sur le point d’être
agressée. Elle avait toujours un pistolet sur
elle lors de ses voyages nocturnes. Elle sor-
tit son arme et tira un coup en l’air ! Elle
ne me dit rien sur ses assaillants sans dou-
te imaginaires, mais me parla de son mu-
let. « Si tu avais vu cette pauvre bête ! Il
avait eu si peur qu’il se mit à courir et re- Cependant un jour elle eut un accident
monta la côte au galop jusqu’à Teyssieu. spectaculaire qu’elle racontait des années
J’ai cru qu’il allait en mourir. » plus tard aux jeunes gens rassemblés au-
tour d’elle, dans l’auberge. D’une voix en-
Ils firent une bonne halte à l’entrée du vil- jouée, elle nous disait, en patois: « Nous
lage où une lointaine cousine, l’Adèle, te- rentrions d’une foire à Saint Céré, monsieur
nait une auberge, et ils reprirent des forces Saint-Chamand était assis à coté de moi. Je
pour continuer la route jusqu’à Lavitarelle. venais de faire le grand tournant de la côte
de Bertrandes, il me dit : Qué mé carri,
La Ford T Louisa, dé bou biré fa oquestes tournants
(Que je me plais, Louisa de vous voir faire ces
tournants !) Quand j’arrive en bas, au pont
Elle garda le mulet plusieurs années et en du Moulin, comment ai-je fait ? Plouf, je
1924 (son mari était décédé en 1921 des manque le tournant et voilà la voiture dans
suites de la guerre de 1914-1918) elle ache- le ruisseau ! »
ta une voiture et ensuite… passa son per-
mis ! Car elle apprit à conduire au volant La voiture était pleine, il y avait Marie,
de sa voiture. Un monsieur Saint- Marthe et d’autres. Quelques blessés lé-
Chamand, de Saint Céré l’accompagnait en gers. « C’est moi, disait-elle, qui fus la plus
la conseillant. Il n’était pas moniteur d’auto atteinte, la clavicule cassée ». Et la voiture,
école mais Ingénieur des Ponts et Chaus- lui demandait-on ? « Oh ! Elle était très so-
sées ! Il n’y avait pas de code à passer. Elle lide, ce n’était pas comme les voitures d’au-
fut convoquée à Brive où un Inspecteur la jourd’hui ! Quand on l’a remontée sur la
fit démarrer au volant de son automobile route, elle a démarré tout de suite » C’était
place de la Guierle… et il lui demanda de le le plus important, des tôles froissées elle
conduire à Alassac où il devait agréer une n’en parlait pas. Elle continuait son récit:
locomotive ! Au retour, il lui donna son per- « Il faisait nuit et chacun voulait récupérer
mis ! Peu de femmes à cette époque possé- ses affaires. Le lendemain les occupants al-
daient le permis de conduire. lèrent dans la Prade chercher dans le ruis-
seau, quelquefois bien loin, les chaussures
Pour moi c’est un précieux témoin du cou- ou les emplettes perdues »
rage et de la personnalité de ma grand-