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Bulletin de l’Association “Les Amis de Comiac” (ADEC) Numéro 4 - 2005 - Page 30
L’accident avait eu lieu le 22 décembre, le Elle me raconta qu’elle avait eu oui-dire
jour de la grande foire avant Noël et les pour cette dernière que la commune devait
achats avaient été nombreux. Ma tante l’acheter pour y installer le Bureau de Pos-
Marthe cherchait la « piotte », la dinde, te. Elle partit aussitôt « dé peds, dé net » (à
qu’elle avait achetée pour le Réveillon. On pieds la nuit), à Laval de Cère pour en faire
questionnait encore ma grand-mère « Et l’acquisition.
elle l’a retrouvée sa « piotte ? » Elle riait et
prenait plaisir à rajouter des détails comi- Elle tint son épicerie-mercerie jusque vers
ques. Elle nous disait, comme pour s’excu- 1940, puis elle la céda à sa fille Odette qui
ser « C’est que vous, vous y voyez bien avec l’installa au rez-de-chaussée de l’auberge
vos phares, mais moi avec ma Magon- du fond du bourg. Dès lors, elle partagea
deau...» (1) son temps entre sa maison et celle de mes
parents où elle apportait une aide efficace.
Plus tard, lorsqu’à vingt ans j’eus ma voitu- Elle allait dormir tous les soirs chez elle.
re (une 4CV Renault) et qu’il m’arrivait de J’y dormais aussi, souvent, toutes les deux
rouler la nuit, je l’entendais me faire des dans le même lit et nous bavardions… elle
recommandations « Fais attention au tour- me racontait sa vie… tout comme au long
nant du Moulin, il est traître » Je lui répon- des chemins creux lorsqu’elle continuait de
dais en riant « Eh ! Mémé, je n’ai pas de collecter les œufs ou lorsque, bras dessus
Magondeau, moi, vois comme mes phares bras dessous, nous allions ramasser châtai-
éclairent bien ! » gnes ou champignons… Elle me faisait dé-
couvrir et humer les fleurs de chèvrefeuille,
Hélas sa belle épopée s’arrêta là. Les légers admirer une couronne de genêts d’or ou ob-
accidentés lui causèrent beaucoup de pro- server un lucane traversant un sentier…
blèmes. Était-elle bien assurée ? Elle se dé- Elle a beaucoup contribué à me faire aimer
battit longtemps entre les plaignants et les la nature.
assurances. Très déçue elle vendit sa chère
voiture (à monsieur Simon, de Calviac, grand Elle s’est éteinte, doucement, une nuit de
commerçant en ce temps là). mai, de mort naturelle. Elle avait 86 ans.
Elle venait tout juste, depuis un mois, de
marier sa chère petite fille, comme si elle
Retour au calme avait attendu ce moment pour quitter le
monde… Chère Mémé qui a su me trans-
Ma grand-mère maria sa deuxième fille mettre tant de souvenirs et me donner tant
Odette à Fernand Taurand, aubergiste au de conseils pour réussir ma vie.
fond du bourg de Comiac qui à son tour
passa son permis et acheta une Renault.
Ma grand-mère continua à tenir son épice- ***
rie-mercerie dans sa maison, à côté du four
banal, qu’elle avait acquise à deux proprié-
taires différents: la partie coté route en (1) Marque d’une lampe à acétylène qui permettait
1914, l’autre moitié en 1921 (à un propriétai- de « voir » la route la nuit...
re réticent), terrain et grange en 1933.